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Devananda, le dévot missionnaire

by | Apr 15, 2019

Exporter le yoga en Amérique

Issu d’un milieu modeste et rêvant d’étudier les sciences, Swami Vishnu Devananda (1927 – 1993) s’était enrôlé dans l’armée car c’était pour lui la seule manière de pouvoir s’instruire. Mais son destin lui réserva un autre chemin. À l’âge de vingt ans, il trouva par hasard au fond d’une corbeille à papier un pamphlet  intitulé « Les vingt directives spirituelles de Swami Sivananda ».  À la lecture de ce texte, il ressentit un appel si puissant  qu’il décida de partir peu après pour Rishikesh afin de rejoindre Sivananda. Il devint un de ses disciples les plus proches et les plus dévoués et passa dix années auprès de lui.

Sivananda  avait pour projet de répandre le  yoga à travers le monde et de faire rayonner l’Inde comme un phare spirituel. En 1957, il donna à Devananda la mission d’exporter le yoga en Amérique du Nord en lui tendant dix roupies symboliques. Devananda n’avait alors jamais voyagé à l’étranger et c’était comme si on lui demandait d’aller sur la lune. Le Maître confia parallèlement la même mission à une dizaine de ses meilleurs disciples dans différents pays.

« Today, more than at any other time in the history of humanity, people in then West are facing stresses and tensions that are beyond their control. Thousands and thousands are turning to tranquilizers, sleeping pills, alcohol and so on in a vain attempt to cope. In 1957, I arrived in America, sent by my Master, Swami Sivananda. My Master said : ”Go, people are waiting. Many souls from the East are reincarnating now in the West. Go and reawaken the cousciousness hidden in their memories and bring them back to the path of Yoga”. (Devananda, 1983)

Des débuts difficiles

Selon certains témoignages, les débuts de Devananda en Amérique du Nord furent difficiles. Cependant aucun obstacle n’arrêta le dévot dans son désir de servir la mission de son Maître. Parti de rien, il dépensa une énergie considérable pour répandre les enseignements de Sivananda et faire la promotion du yoga à travers le monde. Il atterrit tout d’abord aux États-Unis et chercha à se développer sur la côte californienne et à New York où il trouva un certain soutien auprès de la communauté juive. Mais comme il lui était impossible de régulariser sa situation auprès des services d’immigration américains, il opta pour le Québec où les  visas s’obtenaient facilement à l’poque. Ce repli conseillé par ses amis New Yorkais était donc un choix stratégique. 

Devananda développa donc son organisation transnationale, The International Sivananda Yoga Vedanta Centres,  à partir du Québec.  Il s’est d’abord  installé dans le quartier juif du Mile End à Montréal, dans un appartement dans lequel il commença à donner des cours yoga à une clientèle principalement juive et donc anglophone. Dès 1959, il emprunte de l’argent, achète des locaux et ouvre le premier centre de yoga nord-américain sur le boulevard Saint-Laurent, toujours dans le Mile End. Il fait de la publicité pour se faire connaître.

La rapidité avec laquelle l’organisation se développe témoigne de l’intensité yoguique que Devananda a mis dans la réalisation de son projet. Après avoir développé le centre de Montréal, il fonde en 1963 à Val-Morin le premier ashram nord-américain. Puis à partir de là, l’organisation a commencé à essaimer à travers le monde, d’abord aux États-Unis, puis en Inde, en Amérique du Sud et en Europe. Elle compte aujourd’hui 80 centres et ashrams et continue à se développer, notamment en Asie. Val-Morin demeure son siège social. Elle est dirigée par un bureau exécutif formé par ses premiers disciples et fait office d’ambassade culturelle. En effet nombreux sont les pratiquants qui finissent pas se rendre en Inde.
Contrairement à d’autres disciples qui suivirent par la suite leur propre chemin tout en revendiquant leur lignage avec Sivananda, Swami Devananda a créé une organisation entièrement dédiée à son maître et qui porte son nom.

 

Les messagers de la paix

Dans la continuité des enseignements universalistes de Sivananda, Devananda se sentit plus particulièrement investi d’une mission de paix dans le monde. Alors qu’il méditait à l’ashram des Bahamas, il fut frappé par une vision de l’apocalypse. Sous le choc de cette vision, il décida de divulguer au monde un message de paix et fonda dans ce but le True Worls Order (TWO). Il créa également en 1969, en complément au TWO,  le Yoga Teachers’ Training Course (TTC), soit un programme de formation intensive de professeurs de yoga. Convaincu que seule la paix intérieure peut apporter la paix dans le monde, Devananda misa sur le fait que chaque personne formée en formera d’autres à son tour et contribuera ainsi à un éveil de conscience. Les professeurs de yoga devenaient ainsi des « messagers de la paix ».  Depuis 1969, près de 30 000 professeurs ont été formés, dont une partie à Val-Morin.

Le fait est que le TTC représentait une formule gagnante sur plusieurs plans : il représentait une manne, dynamisait l’organisation et assurait la relève ainsi qu’un réservoir de professeurs bénévoles.

Également dans la continuité du yoga de la synthèse de Sivananda, Devananda établit cinq principes  à suivre : 1) les exercices (asanas), 2) la respiration (pranayama), 3) la relaxation (savasana), 4) une bonne alimentation (végétarienne), 5) la pratique de la pensée positive et la méditation  (dhyana).

 

Un avion pour la paix

L’essor de l’organisation se situe dans les années 1970 en pleine période hippie et Power Flower. Afin de mener ses missions pour la paix, Devananda apprit à piloter un avion bimoteur qu’il nomma Peace Plane et qu’il fit peindre par Peter Max, le créateur du dessin animé sur les Beattles, Yellow Submarine. Devananda avait reçu les Beattles à l’ashram des Bahamas, et avait éveillé leur intérêt pour la spiritualité hindoue. Connaître des personnalités publiques et des stars faisait partie de sa stratégie de développement.

À bord de son avion, Devananda entreprit de survoler certains points chauds de la planète (Irlande, Palestine, Canal de Suez, Mur de Berlin, Cuba), parfois au risque de sa vie. Afin d’attirer l’attention des médias et de faire réfléchir, il «  bombardait » les zones de conflits de fleurs et de pamphlets délivrant des messages de paix tout en répétant le mantra pour la paix « Om Namo Narayanaya ». Son message était le suivant: « L’homme est libre comme un oiseau, anéantissez les frontières avec des fleurs et de l’amour, pas avec des fusils et des bombes ». On le surnomma « le swami volant ». Son avion est exposé au Musée de la paix de l’Ashram de Val-Morin.

Malheureusement Swami Devananda, suite à un accident de voiture, a passé les dernières années de sa vie dans un fauteuil roulant. Il s’est éteint en 1993, trente ans après la mort de son maître dont il a généreusement accompli la mission.

 Om Bolo Sri Vishnu Devananda Maharaj Ji Ki! Ja!

 


Ci-dessus, une vidéo sur le l’avion de la paix peint par Peter Max.

 

 

 

Sources : 

Devananda, Swami Vishnu, 2000 [1983], The Sivananda Companion to Yoga, The Sivananda Yoga Center, Fire Side, Simon & Schuster, New York, foreword.

Divine Life Society, 1987, The Master, His Mission, and His Work: Swami Sivananda Birth Centenary Volume,  Sivanandanagar, The Divine Life Society.

McKean, Lise, 1996, Divine Enterprise: Gurus and the Hindu Nationalist Movement, Chicago & Londres, The University of Chicago Press

Strauss, Sarah, 2005, Positionning Yoga, Balancing Acts Across Cultures, Oxford, Berg.

 

 

 

 

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